Point de vue
Faut-il continuer d’organiser des élections présidentielles en Afrique ?
Pour le sociologue ivoirien Alfred Babo, il faut remettre en question le modèle politique imposé par l’Occident, trop coûteux en argent et en vies.
Faut-il continuer d’organiser des élections présidentielles en Afrique ? Tel est le titre d’un article publié par Le Monde.
Examen de la question
Le sujet consiste en une question dont l’inconnue à trouver est : « Est-ce qu’il faut ». Par sa formulation sous forme impérative, l’inconnue consiste en une exigence, une nécessité à établir. La troisième personne du singulier dépersonnalise qui établit cette exigence. On ignore par conséquent qui doit décider du caractère impératif de continuer ou d’arrêter les élections présidentielles en Afrique. Admettons donc qu’un africain pose cette question à d’autres africains et leur confie la responsabilité de cette détermination. L’objet de cette détermination, ce sont les élections présidentielles. Nous n’allons pas ici nous étendre sur leur nature, leur objet et les objectifs visés : un président, de quoi, pour quoi faire, pour quelle nécessité ou finalité, etc…
Élections présidentielles et principe électif
Ne nous attardons pas sur l’existence préalable d’une collectivité sociale, sur son organisation socio-politique et ses règles dont le principe électoral en fait partie. Le principe électif est une forme d’organisation d’un choix, parmi plusieurs possibilités ; il mettant à contribution le libre exercice de la liberté de chacun. Observons donc qu’un président sera élu par des hommes libres quand d’autres personnage sont des élues, s’imposant à ceux qu’ils dirigent ou gouvernent. Un président est celui librement choisi par tous, selon la règle commune acceptée, pour gouverner la communauté sociale, en tant qu’espace social commun d’économie collective du progrès. Caractéristique : son principe est de reposer sur une règle, celle de la proportionnalité dont la majorité est un cas particulier.
Choisir un gouvernant par un principe électif (suffrages divers), c’est choisir celui auquel tous confions la conduite de l’économie collective du progrès : organisation de l’identification et de la mise en œuvre des solutions communes, de l’évaluation de leur efficacité et de leur amélioration. En ce sens, le processus électoral fait parti du plan d’actions pour résoudre un problème commun. C’est un aspect de la réponse.
Avant de poursuivre l’analyse, observons qu’au niveau national, la quasi-totalité des africains s’affrontent pour voir leur choix l’emporter quand ils ne tentent pas de l’imposer. Ils acceptent même qu’un individu qui ne peut même pas être gouvernant dans son petit village, selon une autre règle, le deviennent à l’échelon national ; le fait qu’ils le supportent suffit à leur contradiction entre démocrates au niveau national mais monarchistes au village. C’est là un point majeur que nous ne traitons pas là.
Nature fondamentale d’un principe électif : un élément de réponse
La question posée par Babo revient donc à celle de savoir quel est le problème commun pour lequel la fonction de président et le mode électif électoral constituent l’une des réponses ?
Quel est le problème commun ? En effet, le premier soin à prendre de la question posée est d’abord d’identifier le problème commun pour lequel une fonction de président est nécessaire. Ensuite, il s’agit de savoir quel est le problème secondaire pour lequel le principe électif est adapté pour l’incarnation de cette fonction. Enfin, le dernier soin est d’identifier quel est le problème pour lequel des élections de type suffrages universel sont la réponse pour parvenir à désigner celui qui incarne la fonction. Ainsi, c’est en considérant ce principe pour ce qu’il est, à savoir « la réponse à… » qu’on peut alors découvrir que, pour pouvoir s’interroger sur son arrêt ou sa continuation, il convient d’éclaircir les points ci-dessus.
Venons-en à la question elle-même et aux arguments formulés par Babo
« La démocratie électorale a échoué parce que les élections, notamment présidentielles, donnent d’observer trois constantes qui militent, à mon sens, pour leur abandon. », [à savoir : coût, résultats…]
« L’élection présidentielle est improductive car non seulement elle est très onéreuse pour les pays africains, mais elle produit très peu de résultats positifs dans la vie des populations ».
Concédons-même que ce soit cher ou très cher. Mais, est-ce raisonnable d’établir un lien entre le niveau de coût et le fait que les élections soient improductives ?
S’agissant de produire « très peu de résultats positifs dans la vie des population », un principe ou quelque concept a-t-il jamais produit quoi que ce soit pour les hommes, sans les hommes eux-mêmes, s’ils ne l’acceptent pas pas ni ne pensent qu’il est un moyen de leurs solutions ?
La personnalisation d’un principe ou d’un processus, permettant ainsi de le rendre responsable du peu de résultats résultant de l’usage que les acteurs en font, est un procédé foncièrement déresponsabilisant et à tout le moins déraisonnable sinon démagogique. Ce n’est guère le principe démocratique en tant que conception qui infligent les souffrances aux africains. Pascal disait « même celui qui va se pendre veut être heureux » ; ce n’est pas parce que l’homme fait un tel usage de la corde que la corde est responsable de sa tragédie. Le meilleur principe de désignation d’un président africain ne se substituera jamais à l’esprit des africains, à ce qu’ils constituent comme leur problème auquel quelque principe que ce soit constitue une partie de la réponse ou un moyen.
Penser autrement que l’élection